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Dossier : Engagements quartiers 2030, prendre soin de nos habitants

Article du mag #113, octobre-novembre 2024

Catégorie(s) : Politique de la ville / Contrat de ville

Le contrat de ville « Engagements Quartiers 2030 » prend le relais du contrat de ville 2015-2023. À travers un programme d’actions, cet outil de la politique de la ville a notamment pour objectif de réduire les écarts de développement entre les quartiers dits « prioritaires » et le reste de la métropole.

Pour construire ce contrat, une concertation importante a été organisée en 2023 par l’Eurométropole de Metz, en lien avec les villes de Metz, de Woippy et l’État. Cinq grandes thématiques ont été déterminées :

  • L’émancipation (éducation, accès aux droits et à la santé, culture, sport, etc.)
  • L’emploi
  • Le cadre de vie
  • La sécurité
  • L’engagement et la citoyenneté

Avec trois préoccupations majeures : l’égalité femmeshommes, la lutte contre toute forme de discrimination et le respect des valeurs de la République et de la laïcité.

La nouvelle géographie du contrat de ville

Le contrat de ville intervient sur les quartiers prioritaires définis par la loi Lamy de 2014 selon trois critères : un quartier d’au moins 1 000 habitants, situé dans une aire urbaine de plus de 10 000 habitants, avec un revenu médian inférieur à 13 300 euros par an.

Six quartiers prioritaires ont été définis en 2015 (Metz-Borny, Bellecroix, La Patrotte Metz-Nord, Hauts-de-Vallières, Sablon-Sud et Saint-Eloy - Boileau-Pré Génie à Woippy). S’ajoutent aujourd’hui deux quartiers supplémentaires : le quartier Falogne à Metz et le quartier du Roi à Woippy, portant à huit le nombre de quartiers pris en compte par le contrat de ville, pour un total de 30 230 habitants.

Des actions, du concret

À la mi-2024, l’Eurométropole a financé 30 projets dans son contrat de ville, pour un total de 168 540 euros.

Parmi ceux-ci : l’espace d’accompagnement La Bulle et la Classe à Horaires Aménagés Orchestre (CHAO) à Woippy, le programme d’accompagnement à l’entrepreneuriat de l’association La Relève à Borny, ou encore le dispositif Femmes Bricoleuses de l’Agence pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA).

Des actions sur mesure, quartier par quartier

Signé le 9 septembre dernier, le nouveau contrat de ville de l’Eurométropole a été conçu avec la participation des habitants des quartiers concernés et de nombreux organismes partenaires. Fatiha Adda, conseillère métropolitaine déléguée à la politique de la ville et à la prévention spécialisée et conseillère municipale déléguée à Woippy, revient sur le sens de ce dispositif.

Ce contrat implique les habitants de huit quartiers, plus d’une centaine d’associations et de partenaires institutionnels, les équipes de l’Eurométropole, etc. Comment fait-on pour mettre sur pied un dispositif cohérent avec autant de monde autour de la table ?

Le contrat de ville signé récemment a en effet demandé beaucoup d’investissement de la part de tous. Il a vocation à apporter un programme d’actions dans toutes les politiques publiques, qui touchent de nombreux domaines de la vie quotidienne des habitants (cadre de vie, emploi, sécurité, etc.) Aussi, cela tombe sous le sens d’impliquer et d’écouter les habitants, qui sont directement concernés. Quatre cents personnes ont participé à nos réunions.

Les gens prennent-ils facilement la parole au moment de ces rencontres ?

Nous faisons en sorte qu’ils puissent s’exprimer sur leurs besoins, tout ce qui va ou ne va pas dans leur quartier, les actions qui fonctionnent bien, ce qu’il faut améliorer… D’autant que les besoins ne sont pas les mêmes partout, raison pour laquelle nous impliquons aussi les conseils citoyens.

C’est à partir de ces échanges que vous construisez un programme avec les partenaires du contrat…

Chacun des 22 partenaires (Agence régionale de santé, Caisse d’allocations familiales, bailleurs sociaux, etc.) apporte son expertise et ses ressources. Plus de 130 structures répondent chaque année aux appels à projets du contrat de ville. C’est un travail très transversal, le contrat est vivant, dynamique, nous sommes sollicités tous les jours.

Répondre à l'appel à projet du Contrat de Ville 2025 (jusqu'au mercredi 11 décembre 2024). 

Vous soulignez des évolutions importantes par rapport au précédent contrat de ville…

Les actions ont été conçues sur mesure, par quartier, ce qui n’était pas le cas auparavant. Nous allons pouvoir travailler sur des axes qui ne l’ont pas été. L’entrée de La Falogne à Metz et du quartier du Roi à Woippy va par exemple permettre de mieux travailler sur la réussite éducative des enfants, ou encore de mieux orienter les jeunes vers la Mission locale, et de prévenir plus efficacement la petite délinquance. Un bilan à miparcours permettra d’ajuster les actions.

Abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties : au service de la qualité de vie

Les bailleurs sociaux signataires du contrat de ville et dont les logements sont situés en quartier prioritaire bénéficient d’un abattement fiscal. Ce qui permet à Eurométropole Metz Habitat (EMH), notamment, de financer un programme d’actions en faveur de l’amélioration du cadre de vie et des services aux habitants.

Plus qu’une mesure fiscale, l’abattement de 30 % sur la Taxe foncière sur les bpropriétés bâties (TFPB), mis en oeuvre par l’État, est un levier pour agir en faveur des quartiers prioritaires.

Pour la Société d’Économie Mixte (SEM) EMH, principal bailleur de la métropole, qui gère 13 000 logements dont 5 925 en quartiers prioritaires de la ville, cette mesure représente près de 850 000 euros. Autant d’argent que le bailleur réinjecte dans « l’amélioration du quotidien des habitants », rappelle Anne Fritsch-Renard, présidente de l’organisme et vice-présidente de l’Eurométropole déléguée à la stratégie métropolitaine.

Le programme d’actions correspondant, défini en concertation avec l’Eurométropole de Metz, l’État et les villes de Metz et de Woippy, répond à une volonté de proximité avec le terrain et ses habitants.

"De l'humain derrière les finances"

Le bailleur subventionne ainsi les actions d’associations de quartier, comme les permanences d’un écrivain public, ou encore du portage de courses, et travaille aux côtés des centres sociaux. « Nous avons à coeur d’apporter de la qualité de service », poursuit la présidente, précisant que
la SEM a maintenu ses cinq agences de quartier (dont trois dans les quartiers prioritaires).

« Nous voulons de l’humain derrière les finances que nous apportons. Le lien social fait partie intégrante du rôle du bailleur »
Anne Fritsch-Renard

Le saviez-vous ?

Les actions mises en oeuvre dans le contexte de l’exonération sur la TFPB sont décidées à partir des besoins des habitants, constatés lors de visites de terrain. Une conciergerie solidaire est en projet sur le secteur des boulevards de Guyenne et de Provence, pour aider les locataires dans leurs démarches diverses. À terme, EMH prévoit également d’élargir ses actions aux questions de sécurité.

Un appartement pédagogique

En 2022, EMH a équipé entièrement un appartement au 2 rue d’Anjou en logement pédagogique pour sensibiliser les habitants aux écogestes. Les visiteurs découvrent pièce par pièce les bonnes pratiques permettant d’économiser l’énergie et de préserver la qualité de l’environnement. L’action a été en partie financée par l’abattement sur la TFPB, et pourrait s’étendre à des projets dans les écoles.

Focus sur le nettoyage

EMH consacre en outre une somme importante au renforcement du nettoyage des parties communes des immeubles, des extérieurs, ou encore à la remise en état d’équipements vandalisés. « La moitié des 850 000 euros de l’exonération sur la TFPB part dans le nettoyage de l’espace public et l’enlèvement d’objets encombrants qui n’ont pas à être déposés là », précise Rémi Kientz, collaborateur d’EMH chargé d’exploitation locative, appelant au civisme des habitants. « Cet argent pourrait servir à financer d’autres projets, comme des chantiers jeunes, ou des actions en pied d’immeuble avec des associations », précise le professionnel.

La relève : "du potentiel, il y en a!"

Installés au pied de la tour Mireille à Metz-Borny, le local et ses espaces lumineux donnent envie d’y rester un moment. De partager un thé à la menthe et de discuter avec les jeunes fréquentant librement La Relève.

Objectif de l’association, animée par quatre salariés dont un en alternance, et quatre volontaires en service civique : « Outiller les jeunes pour qu’ils puissent prendre leur place dans la société », explique Medhi Gafour, directeur.

« Devenez des acteurs associatifs, engagez-vous dans l’entrepreneuriat ! »
Medhi Gafour

Éducateur spécialisé, il a lui-même travaillé au sein d’Apsis Émergence. Pendant la crise du Covid il s’investit dans la création de La Relève, au départ essentiellement basée sur la distribution de repas. Son parcours, qu’il cite volontiers comme une preuve que « tout est possible », passe également par Saint-Denis dans le 93, où il oeuvre pour « plus de justice sociale » avec l’association Ghett’Up, tout en gardant ses attaches messines.

« Nous voulons valoriser l’image des quartiers, les actions réalisées par les associations, toucher différents publics. Du potentiel et des compétences, il y en a, reprend l’opiniâtre Mehdi. Tout cela est une question de rencontres et d’opportunités »
Medhi Gafour

À ses côtés, Téo, 20 ans et Achnaf, 19 ans, effectuent leur service civique à La Relève, ce qui leur permet de mettre sur pied leurs projets respectifs. Une chaîne YouTube pour le premier, un engagement dans l’humanitaire pour le second. Ils trouvent ici des contacts, des conseils administratifs, financiers, juridiques, etc. Jeanne, même tranche d’âge, a pour sa part été embauchée en alternance au sein de l’association. Belle opportunité de reprendre ses études, « en BTS communication au lycée Robert Schuman », relate-t-elle, ravie.

Fatiha Adda, conseillère métropolitaine déléguée à la politique de la ville, apprécie l’ouverture des lieux à tous les 16 - 30 ans, et l’originalité des projets. « Le contrat de ville est aussi là pour sortir des sentiers battus », souligne-t-elle.

L’association La Relève répond aux appels à projet du contrat de ville de l’Eurométropole.
La Relève, 3 rue de Normandie Metz-Borny.

Mémoires de quartier, le témoignage sensible des messins du nord

Ils aiment leur quartier. Y vivre, y grandir, travailler, jardiner, partager de bons moments avec les amis. Ils ont eu l’occasion d’en témoigner à travers une création artistique singulière, un film rassemblant des images - des photos anciennes et récentes, de la vidéo - et des témoignages
sonores. Quelque chose de leur vie à La Patrotte Metz-Nord, que la Compagnie Entre les Actes a su saisir, avec douceur et subtilité.

Samira Meddahi, réalisatrice au sein de la Compagnie Entre les Actes, travaille en immersion dans le quartier depuis des mois, « un travail long de médiation sur le terrain », nous explique-t-elle lorsque nous la rencontrons à La Dragonne.

Fréquenté par les habitants de La Patrotte, le tiers-lieu animé par l’Afev 1 au 3 rue Paul Chevreux a en quelque sorte servi de quartier général au projet confié aux artistes par l’Eurométropole. Les rencontres se sont faites aussi dans la rue, dans les écoles, dans les coursives des immeubles.

« Nous avons créé du lien avec les gens, pour leur donner envie de participer, de témoigner du passé, du présent et de donner leur vision de l’avenir », poursuit Marie-Pierre Mazzarini, qui a recueilli les témoignages des participants de tous âges.

Des enfants des écoles, des étudiants, des adultes se souvenant de « séances de patins à roulettes », des retraités qui ne veulent pas quitter le théâtre de leurs souvenirs, la fin des années 1950 lorsque les immeubles sont sortis de terre.

Emotion vive

Les deux artistes décrivent ainsi « des témoignages très forts, beaucoup d’émotion, très vive ». Diffusée le 21 septembre à l’Agora à Metz-Nord, accompagnée sur scène par le musicien messin Romain Laurent, leur création participative saisit la poésie des jardins familiaux et des
visages souriants, la créativité des fresques peintes sur les façades, la géométrie - parfaite ou froide, c’est selon - des bâtiments et de leurs perspectives vertigineuses.

Les coursives vides disent en creux les jeux des enfants, les allées et venues des gens. « Un quartier dur » perçoit-on aussi, mais « il y a des perles ici », insiste un habitant. « Tout va changer » craignent certains, « on n’aura plus d’amis », s’effraient les enfants à l’idée de déménager et de changer d’école.

  L’émotion des gens, qui se plaisent ici, transparaît dans le film. Les images montrent aussi qu’il faut réhabiliter. Nous prenons en compte tout cela pour préparer l’avenir du quartier », exprime Ferit Burhan, adjoint de quartier et conseiller métropolitain, à la sortie de la projection-concert. « Il faut que l’on préserve le patrimoine humain », affirme Doan Tran, conseillère métropolitaine déléguée au renouvellement urbain et conseillère municipale à Metz, initiatrice du projet de mémoire de La Patrotte Metz-Nord.

« Passer par l’art rend la parole des gens universelle »
Samira Meddahi.

Le saviez-vous ?

Messins du Nord est une création, commande de l’Eurométropole de Metz à la Compagnie Entre les Actes, avec la participation des habitants de La Patrotte Metz-Nord, dans le contexte des projets de transformation du quartier. Pas seulement un projet artistique, cet acte de
mémoire collective invite à découvrir un quartier souvent méconnu.

Dernière mise à jour : 30/10/2024

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